Membre du Parti Communiste Grec, parti interdit ; comme des milliers d'autres, combattant la royauté mise en place par les Britanniques au lendemain de la seconde guerre mondiale, Yannis Ritsos le poète est déporté sur l'Ile de Lemnos en 1948-49, d'où il écrit "La marmite enfumée", dont voici un extrait
CHANT XV
Le vent est tombé. Silence. Dans un coin de la chambre
une charrue pensive - attend les labours.
On entend mieux le bouillonnement de l'eau dans la marmite.
Ceux qui attendent sur le banc en bois
ce sont les pauvres, les nôtres, les braves
ce sont les rebelles, les intellectuels, les prolétaires
- chacune de leur parole est un verre de vin
un morceau de pain noir
un arbre près d'un rocher
une fenêtre ouverte sur le soleil.
Ce sont nos Christs, nos Saints
Leurs gros souliers sont des wagons à charbon
leurs mains sont la certitude-
mains tannées, endurcies, mains calleuses
aux ongles mangés, aux poils en broussaille
au pouce large comme l'Histoire de l'homme
à la main large comme un pont au-dessus du gouffre.
Les empreintes de leurs doigts ne sont pas seulement
dans les registres des prisons
elles sont inscrites dans les archives de l'Histoire
les empreintes de leurs doigts sont les lignes du chemin de fer
qui traverse le futur. Et mon coeur à moi
mes camarades n'est rien de plus qu'une marmite en terre
toute noircie
qui fait bien son travail - rien d'autre.
Salut, camarades.
Camp de Concentration pour Détenus Politiques. Kontopouli, île de Lemnos, décembre 1948 - février 1949
Yannis Ritsos
(Inédit. Traduction de Jean-Louis Carpe)
Sous le feu des médias depuis 3500 ans, la Grèce, notre marraine européenne est devenue, à son corps défendant depuis 2010, un laboratoire de l'ultra-libéralisme...
et nous, qu'attendons-nous ?