Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

rondes de chiens la nuit

L’opacité de la devanture ne présageait rien de bon, quant à l’intérieur, c’était ambiance salle de classe avant l’arrivée du professeur. J’ai serré quelques mains.

Il fut question des fafs. Les élections approchaient, les nazillons s’agitaient poussés par un vent mauvais. Suivirent divers témoignages, des informations d’autres groupes. Les fafs, ils avaient dû atteindre des abîmes, des zones extrêmes où plus rien ne pousse. C’est ça qui les faisait avancer. Ils se prenaient pour des aventuriers dans le désert hostile de leurs pensées. Des guerriers agités par la haine de tout ce qui bouge en dehors du cadre. Ils avaient comme représentation du monde un schéma quasi religieux, des fondations coulées dans la préhistoire de l’humanité. Et puis, il y avait tous les autres, qui avançaient masqués, un peu par procuration, la foule encore silencieuse qui diffusait dans l’air son aigreur et bientôt par contagion sa haine de l’autre et de soi, de l’autre surtout, c’était plus facile.

Mes frères, il fallait les démolir, les fracasser, les déchouquer, les renvoyer dans cette boue originelle d’où ils n’auraient jamais dû sortir. Ce bouillon, cette purée avec des bulles. On imaginait là-dedans toutes sortes de créatures, les unes à peines ébauchées, des avortons, des têtards, des chimères et les autres quasiment terminées qui attendaient le ticket d’entrée pour débouler.

Elles avaient des dents longues ces créatures. Il n’y avait pas trente-six façons d’en venir à bout. Il fallait leur rentrer dedans, leur rentrer dedans. Ainsi parlait le professeur.

On commençait à être un peu réchauffés. On bougeait les pieds, on aurait peut-être pu danser, un truc un peu chaloupé à la manière des gospels mais je pense que ma motion n’aurait pas été majoritaire.

Le faf, c’était quand même la culture réduite à la collection des ronds de bière. Tiens, j’aurais bien voulu quand même en tenir un entre quatre yeux, un qui serait bien sec, peut-être même un peu vieux et lui parler. Mon faf, comme d’autres avaient un dalmatien, une sorte de parrainage en somme. Voir s’il y avait quelque chose dedans et puis lui apprendre des mots nouveaux chaque jour, lui montrer des toiles de maîtres. Peut-être qu’il pourrait évoluer comme ça, par capillarité. On ne leur parlait jamais. J’étais bon pour la rééducation.



extrait de "Rondes de chiens la nuit"


© lacalavera

Commentaires

  • Dans une variante différente du même registre, j’ai vu récemment un film : La dés intégration qui montre entres autres choses un gars d’origine « gauloise »intégré à un groupe islamiste fanatique qui finit par commettre un attentat. Il avait besoin de parler sans doute, de ne pas être seul, de donner du sens à son existence : fraternité mortelle du texte et du maître-mot véritable. La fraternité des ronds de bière (et du saucisson), quant à elle, me fait penser à une anecdote, rapportée par un copain qui habitait dans une cité HLM dans les années 80, qui raconte qu’un soir dont j’ai oublié le contexte une femme a surgi à son balcon HLM en criant « …mais je suis française, je suis française… » ou cette autre dans un vieux quartier populaire de Marseille où je croisais, en montant chez l’un d’entres eux avec des copains de régiment, une petite vieille menue qui se plaignait du bruit que faisaient les voisins, la musique et les soirées tardives des années 70, dernière vieille locataire d’un immeuble de djeunes qui ignorèrent gentiment sa plainte… : en elle sommeillait une future électrice de JM le P. qui commencera à monter au début des années 80, devenant président honoraire de la fraternité des ronds de bière ; et pour finir, récemment, ce voisin , aperçu un jour presque en uniforme, béret noir militaire, cravate et décorations sur une veste civile retours d’un souvenir militaire de la guerre d’Algérie, lui je le croise régulièrement dans mon immeuble, il parle tout seul, est toujours seul, me parle parfois de sa fille que je n’ai jamais vue, surnommé entre nous « infiltration » obsédé par des fuites d’eau chez-lui et par un problème de santé : il transpire la solitude d’un homme brisé par quelque cataclysme tragique oublié par l’époque : l’Algérie peut-être mais l’abandon surement, quelque chose de si proche et inatteignable, socialement out.

Les commentaires sont fermés.