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J’ai saisi le téléphone par-derrière, par cet étranglement par ces branches où repose le combiné, qui lui font comme des ouies et je l’ai jeté dans l’eau bouillante avec tout son sans-fil. Le combiné s’est détaché, a dansé à la surface au milieu des bulles. Les touches du cadran avaient le nacre poli d’un gros œil à facettes. J’attendis qu’il rosisse.

J’avais toujours pensé que les crustacés possédaient des aptitudes particulières à la communication.

Les amis j’y ai pensé, qui m’appelle ? Il vaut mieux changer d’amis que d’idées.

 J’ai allumé le truc sur France-Daube. Un mec à la voix posée expliquait très clairement qu’il fallait délivrer la France et les Français, Jean-Philippe Deschamps qu’il s’appelait, il avait plein de gras dans la bouche quand il disait cela la France et les Français. Il fallait briser les tabous, les blocages qui bridaient l’économie et l’économie c’était la liberté hein madame et madame en face elle ne disait que couic à l’initié, que faisait-elle, elle allumait une clope ou matait un programme télé. Personne ne l’interrompait le type, personne ne lui disait de fermer sa gueule. Il voulait supprimer le salaire minimum et mettre les enfants au travail, il fallait pas les laisser à l’école si longtemps ça les déformait, et  le travail de nuit des femmes, les week-end en famille, obsolète tout ça, le français a besoin d’activités. Il faut toujours lui proposer quelque chose en lui laissant le choix, tous au boulot pour pas un rond ou alors on ne garde que les meilleurs et on les presse jusqu’à plus rien, aux autres les honneurs de la rue, les revenus d’assistance, la bouffe pour chat et la piaule au grand air sur les cartons d’emballage du dernier capteur de merde en 3D, on appelait ça une télévision.

Ce salaud-là m’avait coupé l’appétit, le café avait un goût de sang, le sang des mecs en ruine qu’on croisait à tous les coins d’rue. Radio propagande, à 7 heures les patrons vous parlent en direct, au boulot les mecs !

 

Le poste a failli suivre le même chemin que le téléphone et je me suis retenu. Il y avait encore quelques lumières, des oasis où l’oreille retenait son souffle, si peu.

Le discours économique est un discours obscène. Ça fonctionne comme une scène de baise, du bien hard, du vrai cul. On peut remplacer les mots par les autres, ça le ramène tout se suite à sa vraie nature. Le plus vieux métier du monde, le commerce jusqu’à l’absurde.

 

 

 © lacalavera

Commentaires

  • « O mes amis il n’y a nul ami » : parole ancienne paradoxale qui dit quelque chose d’important sur l’amitié. Le téléphone est une prothèse comme une autre. Pendant de longues années Ulysse n’a jamais appelé Pénélope, pourtant…
    Le discours économique actuel est un discours idéologique d’invasion. Ce discours est mondialisé. A cette idéologie on peut en opposer d’autres ; les religions par exemple qui reprennent du poil de la bête quant aux idéologies « laïques » il semblerait qu’il soit inutile de recommencer les expériences déplorables du XX° siècle : la transcendance sans dieu ne vaut pas mieux. Ni les unes ni les autres.
    Alors l’amitié, le travail ,créateur de préférence mais bon, remonter le rocher quand il est en bas, faire son boulot avec son petit courage, ses petits refus et ses petites actions, accepter mais gronder ses petites lâchetés, ne pas se sentir coupable d’inaction : on ne prendra peut-être pas d’assaut le siège de la banque universelle comme d’autres la bastille ou le palais d’hiver.

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