Le Monde des livres du 26/11/2010 livrait sa une aux écritures insurgées
Je n’ai rien personnellement contre Nathalie Quintane, nous partageons même de l’espace numérique dans certains lieux virtuels de bonne tenue, j'avais aussi bien aimé "Formage" (POL, 2003) et son engagement militant dans la poésie française contemporaine est remarquable. Cependant l'article qui lui est consacré me laisse un arrière-goût d'amertume, je marche au feeling et là, il est pas bon. Elle dit à propos de l'affaire Coupat et d'autres choses
« Le fait est que nous avions été affectés par l’emprisonnement arbitraire d’un jeune homme à idées » et « il écrivait bien mais il pensait mal »
« Peut-on envisager la révolution à partir d’autre chose que de la littérature »
« Il y avait si longtemps que tous ces mots n’avaient pas été prononcés et repris. Si longtemps que nous en avions été coupés, que la jonction devait d’abord s’opérer avec eux, En les réecrivant, En le re-disant, bien ronds en bouche… »
Nathalie Quintane « Tomates » (POL)
…une bonne nouvelle tout d’abord, la question du sens taraude de nouveau les ténors de la poésie contemporaine d’avant-garde…mais c’était dans l’air depuis quelques temps
Et si cette tête de pont littéraire se rêvait en avant-garde politique ?
A moins qu’il ne s’agissent encore de s’emparer d’un discours pour mieux le tordre et le vider, stratégie de com largement utilisée par la propagande comme par la pub
Làs, après nous avoir ennuyés durant 30 ans avec les exsudats de leurs laboratoires (j’exagère à peine, quelques-uns sortent du lot, un Tarkos, …pour une dorade combien de muges…
Mais pour la plupart on n’osait même plus les emmener en vacances !
Mais voilà, les performances formelles et le réel ne font pas bon ménage, éblouis mais fatigués par leurs expériences, nos intellectuels de haut vol se découvrent déconnectés de leur nouvel objet de désir : la radicalité
Ils s’étonnent ils s’étonnent comment récupérer ce discours car après avoir phagocyté les autres, celui-ci leur résiste
Des scrupules, des scrupules, le cadavre est encore chaud, la mariée est encore belle, des héritiers se le disputent, on ne peut pas encore se l’approprier mais la question est posée
Et puis la peur du ridicule
D’entrée la barre est placée assez haut, la joute se déroulera sur le terrain de l’esthétique
Mais
Pas un seul instant il n’est question de mettre les mains dans le cambouis car
Pour les gens concernés, la radicalité, c’est d’abord une affaire de militant
Des militants ?
Oui, des copains qui vendent des journaux (qui continuent d’exister) aux sorties du métro
Qui diffusent des tracts qui appellent à des réunions
Auxquelles ils assisteront
Qui collent des affiches de préférence la nuit
Qui font la veille sur Internet pour avertir
Des copains qui lisent et qui font lire qui font vivre ces mots que vous dites lignifiés
les Malatesta, les Proudhon, les Pouget, ah ce bon vieux Pouget
si Don Hortefeux le connaissait, il le ferait aussitôt interdir, Coupat à côté c'est la grande section de maternelle !
Commentaires
Pas lu le Monde des livres depuis longtemps, pas de fierté à ça, mais plus envie c'est tout. Lectures ailleurs (pages de l'Huma le jeudi, pas mal du tout)...
De Quintane, lu "Jeanne Darc" et "Grand ensemble" chez P.O.L., "Remarques" (Cheyne). De Tarkos, "Anachronismes".
Pour citer deux de ces écritures insurgées.
Ailleurs, autrement, une merveille :
Antoine EMAZ (dans la lignée de Reverdy et du Bouchet),
lire "Cambouis" (Seuil, février 2009, 241 p., 16 €) : première strate des carnets, observations, lectures, affrontement écrit du quotidien. Une réflexion considérable sur l'écriture. Ce sont des fragments, certains font 2 lignes, d'autres une page. Un livre comme une boîte à outils (une vis à resserrer, une parole à ravaler, une ponctuation à méditer), toujours à portée de la main, simplement pour le bonheur de lecture...
"Ce monde est sale de bêtise, d'injustice et de violence ; à mon avis, le poète ne doit pas répondre par une salve de rêves ou un enchantement de langue ; il n'y a pas à oublier, fuir ou se divertir. Il faut être avec ceux qui se taisent ou qui sont réduits au silence. " C'est du Emaz et c'est bon !
...sinon c'était juste un coup de sang contre une tendance lourde du PPFC (paysage poétique français contemporain) à faire feu de tout bois sans faire partie de la famille (mais la porte n'est pas fermée !)
dans le genre énervant un "Tarnac" de Jean-Marie Gleize (Ed. Contrepied, 2009)
mais promis, j'essaierais de me procurer "Cambouis"
et puis je vous livre pour terminer mon dernier coup de coeur, c'est pour
Dominique Meens "Ornithologie du promeneur" (Allia, 1995)